#366womeninSTEM

Les femmes de science ne sont plus aujourd’hui invisibles. De nombreuses ressources existent, il suffit de passer un peu de temps à chercher pour trouver de nombreuses informations passionnantes sur des centaines de femmes scientifiques de toutes les époques et de tous les pays.

Ci-dessous une liste de ressources que j’ai utilisées pour faire mes 366 portraits.

Women in Science – Livre de Rachel Ignotofsky

L’Histoire par les Femmes

Mujeres con ciencia (en espagnol) – une ressource exceptionnelle

Science Heroes – Massive Science

Beyond Curie

40 Femmes Scientifiques remarquables – Femmes & Sciences

Magnificient Women

The Amazing women of chemistry – C&EN

51 female inventors

The Best of Indian Science

Women in STEMM Australia

Women Mathematicians

AfroScientric

Women in Science – Women you shoud know

Historical Women of Color in Science

Brief histories of Asia’s scientists

Liste de femmes scientifiques – Wikipédia

A timeline of pioneering women in Science

A compilation of ressources – Synthego

Women Who Shaped Science – The Smithsonian

Profiles of women scientists in Asia

Women in Science – NASA

Inspiring stories from Africa – NASAC

Caribbean Women in Science

Trowelblazers

Honneur aux femmes botanistes

STEM Role Models Posters

32 Posters of Badass Women in Science

Femmes de Science – Le jeu de cartes

Femmes Prix Nobel

Les 500 portraits

Femmes Prix Nobel(le) de Sciences

Dominique Stéhelin (1943-2019)

 

DS

(photo crédit Institut Pasteur de Lille)

La Science ce n’est pas juste des expériences, des questionnements, le travail en équipe ou l’accumulation de nouvelles connaissances. La Science c’est avant tout une aventure humaine et des rencontres. Rencontres d’Hommes et de Femmes passionnés et passionnants. Rencontres d’Hommes et de Femmes qui inconsciemment ou consciemment vous font voir les choses autrement, vous poussent à vous dépasser, vous inspirent et vous influencent durablement. La Science c’est aussi parfois des rencontres exceptionnelles. Des Hommes et des Femmes qui irradient la pièce à peine entrés sans que vous sachiez trop bien pourquoi, des Hommes et des Femmes avec qui vous vous sentez tout de suite à l’aise, qui respirent la bonté et la bienveillance. Des Hommes et des Femmes avec qui vous discutez 5 min, 1 heure, des soirées entières avec cette impression que vous sortez de la pièce bien plus intelligent que quand vous y êtes entré.

Dominique Stéhelin était de cette trempe. Un scientifique exceptionnel (il a co-découvert avec Bishop et Varmus l’origine cellulaire des oncogènes rétroviraux), brillant, charismatique, passionné et passionnant et un Homme bienveillant, simple, accessible et d’une gentillesse infinie. J’ai eu la chance et le plaisir de faire ma thèse dans son laboratoire à l’Institut de Biologie de Lille, un Institut crée en 1996 par lui avec le soutien du CNRS, de la région Nord-Pas de Calais et de l’Etat. Je ne travaillais pas directement avec Dominique mais j’ai eu bien sûr de nombreux échanges et réunions avec lui. Je me souviens d’un Homme qui vous mettait à l’aise tout de suite, faisant fi des barrières hiérarchiques, toujours disponible et à l’écoute avec un sourire malicieux et un regard perçant. Je me souviens de ses petits conseils toujours judicieux pour préparer un oral ou des soirées passées chez lui avec Martine ma tutrice de thèse, pour retravailler encore et encore les tournures de phrases du papier que nous étions en train d’écrire. Il était comme ça Dominique, perfectionniste et intransigeant mais généreux, toujours prêt à transmettre et à partager sa grande expérience. De très nombreux chercheurs français et étrangers ont été formés dans son laboratoire et ont par la suite fait de brillantes carrières. Il a été l’un des premiers à implanter la biologie moléculaire en France, il a fait rayonner la recherche Lilloise dans le monde entier. Nous avons tous quelque chose de Dominique au fond de nous, un formidable scientifique et un Homme profondément gentil qui a compté et influencé beaucoup d’entre nous, moi le premier.

 

Dominique a cherché passionnément toute sa vie pour sauver celles des autres. Pour poursuivre son rêve, sa famille a créé une page de collecte pour la Fondation pour la Recherche Médicale (FRM). Pour contribuer c’est ici.

Que savons-nous de Lulu et Nana, les premiers bébés CRISPR ?

Je remets ici l’article que j’ai publié sur Conversation France – https://theconversation.com/que-savons-nous-de-lulu-et-nana-les-premiers-bebes-crispr-107969

The Conversation

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Des enfants génétiquement modifiés ? Rawpixel/Unsplash, CC BY-SA

Alexis Verger, Université de Lille

Le lundi 26 novembre, une équipe chinoise basée à Shenzen et dirigée par le Dr He Jiankui a annoncé la naissance de Lulu et Nana, les deux premiers bébés génétiquement modifiés à l’aide de la technologie CRISPR. Il a présenté brièvement ses travaux le mercredi 28 novembre au deuxième sommet international sur l’édition du génome humain qui a eu lieu à Hong Kong. Même si les informations restent fragmentaires et attendent la publication officielle d’un article scientifique évalué par les pairs, on en sait aujourd’hui un peu plus sur ces travaux sans précédent et très controversés.

En 2015, une équipe chinoise a testé l’efficacité et la spécificité de l’édition du génome par CRISPR dans des embryons humains non-viables. Cette première étude a révélé les limites actuelles de la technique dans la mesure où de nombreux embryons présentaient une structure mosaïque (les cellules du même embryon ne possèdent pas toutes la modification).

Puis en juillet 2017, l’équipe du Dr Mitalipov annonce avoir modifié avec succès des embryons humains pour corriger une mutation du gène MYBPC3 responsable de maladies du muscle cardiaque, les cardiomyopathies hypertrophiques. En accord avec la limite de 14 jours imposée à la recherche sur l’embryon humain, aucun embryon n’avait été autorisé à se développer plus que quelques jours et tous ont ensuite été détruits.

Ce qui aurait été fait par le Dr He Jiankui

Le Dr He Jiankui est allé beaucoup plus loin. Le choix s’est porté sur le gène CCR5, non pas pour corriger une mutation, mais pour créer un variant naturel appelé CCR5 Δ32, ce qui empêche le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) d’entrer dans les lymphocytes CD4 et donc de les infecter. C’est cette modification que les chercheurs ont mimée dans le génome des embryons pour les protéger d’une éventuelle infection par le VIH (les pères des huit couples impliqués dans l’étude sont tous séropositifs).

Diapositive présentée par le Dr He Jiankui le mercredi 28 novembre lors du deuxième sommet international sur l’édition du génome humain.

L’ARN guide sg4, qui contient l’information sur la séquence du génome à reconnaître, ciblant ∆32 CCR5 a d’abord été testé chez la souris, le singe et dans des lignées de cellules humaines en culture (HEK293) pour vérifier son efficacité et l’absence d’effet hors cible (off-target), c’est-à-dire une modification génétique à un endroit non souhaité. L’ARN guide a aussi été testé sur des embryons triploïdes (contenant 3 jeux complets de chromosomes) non-viables.

Au total, 31 embryons ont été obtenus par fécondation in vitro ; 9 n’ont pas été modifiés (allèle wild-type (WT), c’est-à-dire allèle sauvage d’origine) ; 22 (70 %) ont été édités et 2 embryons portant la version inopérante du gène CCR5 ont été réimplantés. Lors du sommet international sur l’édition du génome humain, le Dr He Jiankui a même évoqué l’existence d’une autre grossesse en cours et donc d’un 3e bébé.

Diapositive présentée par le Dr He Jiankui.

Le choix s’est porté sur l’embryon 1 pour Lulu et l’embryon 2 pour Nana. Chaque enfant hérite de deux copies (allèles) de chaque gène, une copie héritée de la mère et une copie héritée du père. Dans le cas de Lulu, une copie de CCR5 contient une insertion d’une paire de bases (+1 bp) et l’autre copie contient une délétion de 4 paires de bases (-4 bp). Elle est donc hétérozygote -4 bp/+1 bp. Nana est aussi hétérozygote car une seule copie de CCR5 a été modifiée et contient une délétion de 15 bp (-15 bp/WT).

Quand on regarde de près les données fournies par le Dr He Jiankui, c’est très inquiétant. Les séquences ne sont pas homogènes et suggèrent la présence d’un allèle sauvage toujours présent (chevauchement de 2 séquences différentes entourées en rouge dans la diapositive ci-dessous). L’existence d’un mosaïcisme cellulaire, qui fait que certaines cellules sont modifiées et d’autres non, est donc fort probable, ce qui pourrait être désastreux.

Diapositive présentée par le Dr He Jiankui.

La délétion de 15 bp est aussi très problématique puisqu’elle ne correspond pas à CCR5 Δ32. Cette délétion enlève 5 acides aminés de CCR5, ce qui peut toujours conduire à une protéine fonctionnelle et donc à des cellules toujours sensibles à l’infection par le VIH.

Enfin, le diagnostic génétique préimplantatoire (DPI ou PGD pour Preimplantation Genetic Diagnosis) de ces deux embryons indique l’existence d’un effet hors-cible (off-target) potentiel pour l’embryon 1 qui se trouve dans une région non codante du génome à 279 kb du premier gène répertorié dans cette région. L’équipe du Dr He Jiankui a considéré que cela était sans risque et a donc décidé de procéder à la réimplantation avec l’accord des parents.

Diapositive présentée par le Dr He Jiankui.

Après la naissance, ce hors-cible potentiel n’a pas été retrouvé dans le placenta ou le sang du cordon ombilical.

Diapositive présentée par le Dr He Jiankui.

Une condamnation unanime

L’ensemble de la communauté a condamné à juste titre très fermement ces travaux. En dehors même des problèmes éthiques que posent de telles recherches, il faut bien rappeler que la technique CRISPR, certes très efficace, n’est pas encore totalement fiable. Les effets hors-cibles et le risque de mosaïcisme des embryons sont loin d’être aujourd’hui résolus.

De plus, ces embryons étaient sains et ces travaux ne sont ni scientifiquement ni médicalement justifiés. La modification des cellules germinales (visant la reproduction et donc la transmission des caractères à la génération suivante) reste aujourd’hui problématique.

Toute modification implique des considérations éthiques qui exigent une parfaite maîtrise des conséquences avant toute utilisation. L’obtention du consentement des parents concernés a-t-elle été faite sérieusement ? Les parents ont-ils été bien informés des risques encourus et des conséquences qu’une telle expérience pouvait engendrer ? Un comité d’éthique a-t-il été consulté ? Les fillettes apprendront-elles un jour que leur génome a été modifié ?

Beaucoup de questions restent aujourd’hui sans réponse. Dans l’état actuel des connaissances et à la lecture des données expérimentales disponibles, sans parler des multiples questions éthiques, cette première tentative de modifier génétiquement des embryons est totalement irresponsable et injustifiée. Jamais ces embryons n’auraient dû être réimplantés ni les grossesses menées à terme.


Je remercie Gaëtan Burgio pour la relecture critique de cet article et pour son analyse des données expérimentales disponibles qui a orienté et inspiré mes propres réflexions.

Consacrer 3% du PIB à la R&D, un serpent de mer

Le président de la république a annoncé hier vouloir faire passer de 2,25% à 3% en 10 ans la part du PIB consacrée à la Recherche. Derrière ces chiffres se cache une réalité bien plus ambiguë. Petit tour d’horizon.

 

La stratégie de Lisbonne.

Le conseil européen de Lisbonne en mars 2000 avait fixé pour objectif de faire de l’union européenne ‘l’économie de la connaissance la plus dynamique et la plus compétitive du monde’. En conséquence, l’ensemble des dépenses en matière de R&D doit augmenter pour approcher 3% du PIB d’ici…….. 2010.

Force est de constater que l’intensité de R&D dans l’UE en 2010 atteignait difficilement 2%.

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Europe 2020.

Oh ! qu’à cela ne tienne, ce fameux 3% devient maintenant un objectif pour ….. 2020. Quand on compare les chiffres entre l’Allemagne et la France, cela donne ça. L’Allemagne y est presque, quant à la France…..

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France 2026.

L’objectif de 3% fait donc son 3ème come-back et devient une priorité pour la France dans les 10 ans, c’est-à-dire pour 2026. Comme l’indique le graphique ci-dessus, la tendance actuelle n’incite pas à un grand optimisme. Et puis 2,25%, 3%, ça vous parle à vous ? A moi pas vraiment.

 

Espèces sonnantes et trébuchantes.

En 2015 le PIB de la France était de 2180 milliards d’euros. 3% d’effort de recherche publique et privée correspond donc à un investissement de 65 milliards. C’est là que cela devient intéressant. En 2004 la France consacre 2,09% de son PIB à la R&D soit environ 35 Milliards. En 2014 on passe à 2,25% soit 48 milliards (source). Et donc objectif 3% en 2026 soit 65 milliards, ou encore + 17 milliards. Vous me direz on est bien passé de 35 à 48 milliards entre 2004 et 2014, donc 65 milliards pour 2026 reste un objectif réaliste…. à PIB constant. Pour rappel le PIB de la France (en euros courants) en 2004 était de 1710 Milliards (source). Imaginez un PIB pour 2026 de 2400 milliards, on passe alors à un effort de recherche de 72 Milliards soit cette fois + 24 milliards !

 

Qui veut gagner des milliards ?

La question est aujourd’hui de savoir qui va bénéficier de ces 17 ou 24 milliards supplémentaires ? Deux graphiques montrent la tendance actuelle (source). En 2012, la dépense intérieure de R&D des entreprises représente 1,44% du PIB dont le CIR à hauteur de 0,26% et les financements publics directs de 0,12%. L’augmentation spectaculaire de l’investissement des entreprises en R&D (1,27% en 2005 et 1,44% en 2012) suit étrangement l’augmentation constante du CIR.

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Et si vous avez bien calculé, l’effort de recherche publique correspond donc à 0,78% du PIB, un effort constant depuis 10 ans (source).

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La recherche c’est fondamental !

Je suis le premier à me réjouir de l’exposition médiatique dont bénéficie enfin Emmanuelle Charpentier cette semaine en France pour la remise du prix L’Oréal Unesco ‘Pour les Femmes et la Science’. Une interview dans L’Express, un passage sur Canal Plus et sur France Inter par exemple.

 

Si nos pouvoirs publics ne doivent retenir qu’une chose, c’est que la technologie CRISPR/Cas9 qui est en train de bouleverser la biotechnologie et la médecine, est issue de la recherche purement fondamentale inspirée par la curiosité. Depuis plusieurs années, la recherche fondamentale est malmenée et beaucoup considèrent que ce type de recherche n’est pas rentable et coûte trop cher. C’est oublier un peu vite que la recherche fondamentale représente le socle sur lequel tout le reste est possible. La recherche fondamentale est par essence imprévisible en termes de résultats. Qui aurait pu prévoir il y a seulement 10-15 ans qu’étudier des séquences répétées d’ADN du génome des bactéries aboutirait à cette technologie révolutionnaire ? Personne !

 

Toute nouvelle coupe des financements destinés à la recherche fondamentale est une application de la recherche qui ne verra peut-être jamais le jour.

Ils finiront par comprendre

Ils finiront par comprendre

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Ils finiront par comprendre que le temps de la recherche n’est pas le même que le temps des politiques.

Ils finiront par comprendre qu’il faut souvent 10-15-20 ans de recherche avant de pouvoir développer des applications.

Ils finiront par comprendre que sans 20 ans de recherche en microbiologie fondamentale sur les mécanismes de défense des bactéries contre les bactériophages, il n’y aurait pas de CRISPR Cas aujourd’hui et pas d’applications en thérapie génique.

Ils finiront par comprendre que sans 30 ans de recherche sur les mécanismes fondamentaux de la régulation des gènes, il n’y aurait pas aujourd’hui de cellules souches pluripotentes induites.

Ils finiront par comprendre que la recherche fondamentale est fondée sur la curiosité pure, la créativité, le hasard, qu’elle est le terreau nécessaire aux applications.

Ils finiront par comprendre que pour récolter, il faut semer chaque année et que l’on ne construit pas une maison sans fondation.

Ils finiront par comprendre que l’on ne peut pas décider à l’avance des résultats de la recherche.

Ils finiront par comprendre que la recherche est un bien public.

Ils finiront par comprendre que la privatisation de la recherche est une catastrophe.

Ils finiront par comprendre que dans R&D il y a développement ET Recherche et que sans la Recherche, il n’y a pas de développement.

Ils finiront par comprendre qu’avec des taux de sélection de 10% à l’ANR, cela devient une loterie et que la majorité des chercheurs se sent démotivé.

Ils finiront par comprendre qu’avec des taux de sélection de 10% à l’ANR se sont des centaines de jeunes chercheurs brillants à qui l’on ne donnera jamais la possibilité d’exploiter leur talent.

Ils finiront par comprendre qu’avec des taux de sélection de 10% à l’ANR se sont des dizaines de thématiques qui ne sont plus financées et tout un savoir-faire et une expertise qui sont en train de se perdre.

Ils finiront par comprendre qu’il n’y a pas de recherche appliquée mais uniquement des applications de la recherche.

Ils finiront par comprendre que l’excellence est l’objectif à atteindre, pas le critère pour sélectionner.

 

 

Ils finiront par comprendre tout cela mais il est déjà bien trop tard.

Mon petit twitter scientifique illustré

Twitter, cette plateforme de microblogging, est fascinante pour certains, effrayante ou sans aucun intérêt pour d’autres. En tout cas Twitter ne laisse pas indifférent. Mais derrière ce géant des réseaux sociaux se cache un diamant brut qui ne demande qu’à être façonné: une communauté scientifique très active, une source d’informations inépuisable en temps réel, un outil de veille technologique et un forum de discussion.

Comme scientifique, Twitter est donc devenu pour moi un outil de travail comme un autre. Ce petit billet n’a pas la prétention ni l’ambition d’être un guide mais juste un témoignage de mon utilisation de Twitter en tant que scientifique. Après tout, ce qu’il se passe sur les réseaux sociaux aujourd’hui existe depuis toujours dans les congrès scientifiques: les gens posent des questions et discutent autour d’une bonne bière des derniers papiers à la mode, des rumeurs, des financements, des étudiants… Les réseaux sociaux sont en quelque sorte le plus grand congrès scientifique du monde.

Pour que ce billet ne soit pas trop long, j’ai mis les images en tout petit. Cliquez dessus pour les voir en grand.

 1- Un outil de recherche bibliographique presque comme un autre

Notre recherche se nourrit en permanence du travail des autres. Lire des papiers sur son sujet ou sur une nouvelle technique, aller à des congrès ou des thèses alimentent nos propres idées et hypothèses de travail. Twitter offre une alternative intéressante aux outils classiques de recherche bibliographique que peuvent être Pubmed, les flux RSS et autres eTOCS (Email Table of contents Alerts).

1a- Tous les grands journaux scientifiques ont leur compte Twitter. Un nouvel article ou un nouveau numéro de votre journal vient de sortir. Vous avez l’information en temps réel, parfois bien plus rapidement que par email par exemple. J’en ai répertorié 292 toutes disciplines confondues.

suivre journaux

1b- Un flux RSS sur Twitter. Il existe une manière assez simple de créer un flux RSS automatique sur Twitter (voir cet article (en anglais) de @caseybergman). Beaucoup existe déjà. Voilà ma liste par exemple :-). Une thématique particulière vous intéresse, suffit de s’abonner.

rss feed like

1c- Recherche classique par mots-clés. Twitter dispose d’un moteur de recherche. Il suffit de taper un mot clé pour savoir tout ce qu’il s’y dit sur Twitter.

recherche mot clé

1d- Le partage. Twitter étant avant tout un forum de discussion, chacun peut parler d’un article qu’il trouve intéressant. Je fais ça régulièrement. Je transmets donc l’information à mes abonnés qui pourraient être intéressés et qui auraient pu rater un article en particulier. On met un petit commentaire, le lien vers l’article et hop en 1 clic on regarde si ça intéresse ou pas. Ça marche évidemment dans les 2 sens. Certaines des personnes à qui je suis abonné font la même chose et me font découvrir parfois de super articles que je n’aurai peut-être jamais vus sans l’aide de Twitter.

parler de ses coups de coeur

2- S’informer tout simplement

Cela prend un peu de temps mais quand on arrive à s’abonner aux bons comptes Twitter, on peut récupérer un grand nombre d’informations. Les grands Instituts de Recherche, les organisateurs de congrès scientifiques, les sociétés de biotech et bien sûr des centaines de scientifiques se retrouvent sur Twitter.

2a- Des annonces de congrès. Les grands organisateurs de congrès internationaux ont un compte Twitter come le CSHL (Cold Spring Harbor Lab) ou les Keystone. On peut aussi trouver des comptes dédiés ouverts simplement pour un meeting qui a lieu dans l’année. Comme le cas du FEBS EMBO qui a eu lieu à Paris en 2014.

info congrès

2a-bis Suivre les congrès. Quand c’est autorisé, les participants d’un congrès font ce qu’on appelle du ‘live-tweeting’. Ils racontent en direct ce qu’il se passe par l’intermédiaire d’un hashtag. Suivre en live un congrès qui a lieu à l’autre bout de la planète tranquillement derrière l’écran de votre ordinateur, c’est top, non ?

conference à distance

2b- Les sources de financements. Les grands organismes qui financent la Recherche se retrouvent sur Twitter. La ligue contre le cancer, l’ARC, l’INCa, l’ANR, l’ERC. Petit clin d’œil au trop méconnu iEDU. S’abonner à ces comptes twitter vous renseigne en temps réel sur les nouveaux appels d’offres, les échéances, les résultats.

anr

2c- Les sociétés de biotechnologies. Les dernières nouveautés des catalogues, les dernières promotions, tout est sur Twitter.

biotech

2d- Les offres de postes. S’adresse surtout aux doctorants qui cherchent un post-doc ou un poste dans le privé. De nombreuses offres se trouvent sur Twitter. Cela fonctionne aussi dans l’autre sens. Vous avez un financement pour un(e) futur(e) doctorant(e), faites passer l’info sur Twitter.

offre these post docboulot

3- Discuter et s’entraider

Twitter est avant tout une plateforme de discussion ouverte à tous. Comme dans une réunion de labo ou un congrès, Twitter permet de discuter de tout et de rien mais avec les scientifiques du monde entier sans bouger de sa chaise !

3a- Un scientifique a une question ou ouvre le débat. Participez aux discussions, échangez des informations, répondez à des questions. C’est ça la science !

discuter
discuter d'un sujet

3b- Un contact direct et rapide. Vous avez une question à poser à un fournisseur ? Parfois la poser directement sur Twitter est bien plus rapide que par mail.

contact direct avec des sociétes

3c- Faire sa promo. Un nouveau papier ? Un nouveau billet de blog ? Twitter est aussi là pour parler de vous, de votre recherche, de ce que vous faites. Vendez-vous !

 faire sa promo

3d- Se faire un réseau. C’est le principe de base. Ce faire un réseau, des connaissances. Certains de mes collègues ont par exemple fait des collaborations scientifiques simplement en discutant avec d’autres collègues sur Twitter, collègues qu’ils n’avaient jamais rencontrés avant ! Pour ma part, j’ai été invité à donner séminaire à l’Université de Cambridge en Angleterre juste parce qu’un scientifique de là-bas me suivait et trouvait certains de mes propos intéressants !

 se creer un reseau

En conclusion, Twitter est un vaste supermarché où chacun peut y faire ses courses selon ses goûts et ses envies. Twitter devient ce que l’on veut bien en faire. Il faut apprendre à l’apprivoiser, le dompter et j’espère vous avoir convaincu que cela peut-être plus qu’utile. Voilà en tout cas comment moi je l’utilise.

N’hésitez pas à commenter ce billet et à l’améliorer si vous voyez quelque chose que j’aurai pu oublier.

4- Autres liens

Veille scientifique avec Twitter par Pierre Poulain @pierrepo

Twitter et les chercheurs, l’exception française ? Article de Sylvain Deville @DevilleSy dans Le Monde

Twitter et la science par @Endirectdulabo

Les réseaux sociaux dans la Recherche scientifique par @Urfist

Ouvrir un compte twitter pour son labo par @inp_cnrs

My twitter achievements par Sylvain Deville @DevilleSy

école doctorale 13 mai 2016

école doctorale 25 avril 2017

école doctorale 14 mai 2018

école doctorale 13 Mai 2019

CRISPR/Cas9 : Emmanuelle Charpentier futur prix Nobel ?

Screenshot_2020-10-10 The Nobel Prize in Chemistry 2020(1) sbi_precisionx_cas9_schema505-420(source image : ici)

CRISPR. Le mot (enfin l’acronyme) est lâché. Si, en tant que biologiste, vous n’en n’avez jamais entendu parler, c’est que vous hibernez depuis 2 ans ou que vous êtes sur le terrain au fin fond de l’Amazonie à récolter des échantillons pour votre prochain papier.

Derrière cet acronyme un peu barbare (CRISPR pour ‘Clustured Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats’) se cache l’une des plus importantes révolutions technologiques que la biologie moléculaire a connu ces 40 dernières années, au même titre que le clonage ou la PCR.

Le principe : programmer une endonucléase bactérienne (protéine qui coupe l’ADN) appelée Cas9 avec des petits ARN non codants (qui agissent comme guide) pour permettre le clivage de manière spécifique à l’endroit désiré du génome. Grâce à ce nouvel outil de génie génétique, cibler n’importe quel gène dans une cellule pour le modifier devient presque un jeu d’enfant. Eteindre ou allumer l’expression d’un gène, le modifier, le réparer, l’enlever; tout est aujourd’hui possible.

 

Un bref historique

Et pourtant, la découverte initiale aurait pu rester totalement anecdotique. Mais elle est devenue un exemple formidable de ‘détournement’ d’une découverte scientifique dans un domaine (microbiologie) au profit d’un autre domaine (l’édition et la modification des génomes), avec des applications aujourd’hui presque illimitées.

Cette histoire commence donc en 1987 par une simple observation qui est restée longtemps confidentielle : la présence d’une région inhabituelle de 5 répétitions partiellement palindromiques dans le génome d’E. Coli à l’extrémité du gène de l’isozyme alkaline phosphatase (si vous ne savez pas à quoi sert cette enzyme, moi non plus !). Il faudra ensuite attendre 2002  pour que l’équipe de Léo Shouls aux Pays-Bas mette en évidence la présence de ces séquences dans la plupart des génomes bactériens. Et c’est aussi en 2002 que l’acronyme CRISPR deviendra définitif.

Mais à quoi peuvent bien servir ces séquences répétées me direz-vous ? Et bien les premiers éléments de réponse arrivent en 2005 et ce fut plutôt une surprise. Ces séquences des génomes bactériens étaient tout bonnement identiques à des séquences des génomes de bactériophages ! (Les bactériophages sont des virus qui n’infectent que les bactéries). Et de manière remarquable, les bactéries contenant ces séquences de phage étaient résistantes à ce même phage. En d’autres termes, en intégrant des fragments d’ADN étranger au sein de son propre chromosome, la bactérie acquiert une résistance à ce phage.

Comment ? Et bien une partie de la réponse a été apportée en 2007 par une équipe française travaillant pour Danisco, une société de l’industrie laitière qui cherchait à protéger la bactérie lactique Streptococcus thermophilus des attaques de bactériophages. Pour simplifier, quand le phage réinfecte la bactérie : (1) il est reconnu, (2) la bactérie exprime sous forme d’ARN ces séquences répétées CRISPR qui correspondent à des fragments du génome du phage, (3) ces crRNAs forment un complexe avec les protéines Cas (endonucléase) et (4) s’apparient avec l’ADN de phage pour le détruire. Une sorte de système immunitaire qui utilise l’ADN étranger et non pas le couple antigène/anticorps pour se défendre.

Femmes, Science et Cocorico !

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Tout explose en 2012 avec ce papier publié dans Science par les équipes de Jennifer Doudna et Emmanuelle Charpentier. Ces 2 femmes aujourd’hui internationalement reconnues et lauréates de nombreux prix ont donc été les premières à démontrer que ce système immunitaire bactérien pouvait être reprogrammé à façon pour modifier n’importe quel gène de n’importe quel organisme.

Alors le mot est lancé : prix Nobel ! Oui je pense sincèrement que Jennifer Doudna et Emmanuelle Charpentier seront un jour récompensées du prix Nobel pour cette découverte.

Et pour la petite histoire Emmanuelle Charpentier est française !!! Expatriée depuis bien longtemps d’abord en Suède puis titulaire de l’une des plus prestigieuses chaires d’Allemagne, elle dirige aujourd’hui un centre de recherche Max Planck à Berlin.

Femme, française, prix Nobel. Ces mots vont plutôt bien ensemble vous ne trouvez pas ?

Pour en savoir plus (en français)

CRISPR Wikipedia

Article dans Le Monde

Article dans Le Figaro

Diapositives de Tuan Nguyen, INSERM : 1ère partie & 2ème partie

Prix Nobel de Chimie 2020